texte accueil

Naviguer ou rechercher : utilisez les onglets et les liens qu'ils vous proposent; utiliser aussi "Rechercher dans ce blog" en demandant un ou des mots entiers, séparés par une virgule.

Les adhérents inscrits reçoivent les nouveaux articles par mail: ils peuvent y écrire un commentaire; ils peuvent aussi proposer des articles, faire des rectificatifs etc… par l'intermédiaire de notre adresse mail: skispatrimoine@gmail.com

L'ENVERS DES SKIS: §3 les carres (3ème édition).

§3 – LES CARRES

Depuis les années 70, les carres sont devenues presque invisibles et se font oublier: leur technologie s’est figée et on n’en parle plus (sauf pour les affuter).
Mais il n’en a pas été toujours de même et leurs débuts sont marqués par la prolifération des solutions essayées pour résoudre les épineux problèmes qui se sont posés aux inventeurs.


Dénominations :

Le féminin est maintenant le plus utilisé : on dit donc UNE carre.

On trouve : ‘arêtes’ (F), ‘Kanten’ (D), ‘kant’ (N), ‘edge’ (GB), ‘bordi’ ou ‘lamine’ (Italie).

En France, le terme ‘’carre’’ ne commence à apparaître que dans les années 30 d’après un terme industriel que l’usage a généralisé.

À quoi ça sert :

L’angle ‘chant / semelle’ des skis en bois s’use vite et s’arrondit, laissant le ski déraper latéralement. Or ce dérapage est gênant, voire dangereux dans une forte pente.

Son renforcement par une matière dure, a apporté la solution du problème, problème qui ne touche donc guère que le ski alpin ; or cette pratique n’est apparue que tardivement dans l’histoire du ski qui n’était que ‘’nordique’’ à son origine : ça explique ainsi que l’usage des carres ne s’est généralisé qu’après la dernière guerre et essentiellement pour le ski alpin qui se fait sur des neiges damées et/ou dures.

Histoire

Dans la quasi-totalité des publications sur le ski, on lit que les carres ont été inventées en 1926 alors que nous verrons, qu'en réalité, c’était au 19ème siècle ; mais nous garderons quand-même cette date comme point ‘’pivot’’ car c’est à cette époque qu’elles ont été ‘’réinventées’’ de manière efficace cette fois !

Avant 1926

Quand le bord de la semelle s’arrondissait, il fallait la raboter pour en reformer l’angle.

Des essais de carres métalliques ont été tentés, dénigrés par Paulcke dans son livre de 1910 : « On a aussi tenté d’armer les arêtes de ski de barres métalliques, destinées à prévenir l’usure du bois et à conserver aux arêtes tout leur tranchant.… pourtant, cette armature alourdit inutilement le ski sans offrir d’avantages sérieux. »

Citons ces précurseurs :

- 1860/70 : Chasseurs du Numedal (région de Norvège)

 Fils de cuivre des deux côtés de la semelle.

-  1888 : NANSEN (N – traversée du Groenland)

Pas de véritables carres mais mince semelle métallique découpée au centre sur environ 80cm (pour de la peau d’élan) : donc les bords de la plaque faisaient office de carres. (voir photo en fin d’article).

Une source (Altrock, non recoupée), parle d’ajout ultérieur des carres de 20cm de long sur les chants, au niveau des fixations ??

-   1892/93 : ASTRUP (N) et PEARY (USA)

Expédition au nord du Groenland : carres métalliques de 2,5cm de large tout le long de la semelle (voir photo en fin d’article).

-   1904/1905 : NOODT (N)

Horloger à Trondheim : essai de « … minces morceaux d’acier d’environ 5 mm de large, à peu près comme un ressort dans un réveil… ». 

Carres continues en relief sur la semelle, clous en cuivre.

-  1924 : RICHARDSON (GB)

Mentionne des arêtes métalliques dans la « Revue des Sports d’hiver » de 1924 mais les condamne comme « …impraticables … » sans les décrire ni les nommer.

1926 : L’ANNÉE ''CLÉ'' 

Rudolf LETTNER (1898-1975) est un skieur autrichien qui, en 1917, avait réchappé d’un gros dévissage sur neige dure : il a alors cherché un moyen d’empêcher le dérapage des skis.

Dans la plupart des ouvrages, il est considéré comme l’inventeur des carres : mais c’est à tort, comme nous venons de le voir, car il ne s’agit en réalité que d’une renaissance !

Nous allons cependant lui donner une place d’honneur car il est le vrai point de départ des carres efficaces et le 1er à avoir breveté ses idées pour essayer de résoudre le problème posé par les carres d’une seule pièce : l’importante rigidification du ski.

Il est à l’origine 2 types de carres :

Carres sur chant (année ??)

Étroites bandes plates d'acier 40x0,5cm, vissées côte à côte sur les flancs (chants) du ski tous les 4,5 cm, mais uniquement sur 80cm au milieu du ski
Ce ne sont pas les carres qui sont passées à la postérité mais elles sont quand même remarquables étant les 1ères carres segmentées qui permettaient de limiter le raidissement du ski. Lettner ne semble pas les avoir brevetées.

Carres sur semelle : le brevet de 1926:

N° A111.584 enregistré en 1928 en Autriche, et en Allemagne, en 1929 (D476.885).
Elles y sont dénommées ‘’schikanten’’ : lames de laiton ou d’acier de 30 ou 40cm de long et larges de 0,8cm, vissées à plat dans un logement fraisé afin d’affleurer la semelle; elles s’arrêtent avant la spatule.

C’est le modèle ‘’historique’’ qui a persisté jusqu'aux années 40/50.


Après 1926

Les carres restent méconnues jusqu’en 1930 : mais aux Jeux Universitaires d'hiver à Davos, les skieurs autrichiens, tous équipés de carres Lettner, remportent facilement toutes les courses; la polémique entraînée fait long feu et, rapidement, tous les compétiteurs mondiaux les adoptent.

En 1931, elles sont commercialisées par l’A/S Norge-Ski (Lettner-Rapid) après amélioration du vissage.

Mais en plus, en corollaire, on observe une avalanche de marques, modèles, matières etc… tous et toutes plus ou moins réalistes : en 1936, la ‘’Revue du ski’’ en dénombrait 35 de marques différentes (avec souvent avec plusieurs modèles) (*). Aux JO de Garmisch (1938), tous les compétiteurs étaient équipés de carres métalliques.

Mais il faut bien réaliser que c’était toujours de la 2ème monte et surtout, qu’en dehors des compétiteurs, elles n’étaient guère prisées car elles avaient des gros défauts : 

-       Elles alourdissaient le ski et diminuaient sa souplesse

-       Elles s’arrachaient facilement

-       Elles devenaient saillantes par l’usure de la semelle

-       Elles étaient coupantes et dangereuses en cas de bris de spatule (fréquente) où elles pouvaient devenir un véritable poignard. 

-       Leur pose était affaire de spécialistes

Ce n’est qu’après la guerre, que l’essor du ski alpin a généralisé les carres en 2ème monte par les détaillants ; puis, la 1ère monte (à la fabrication) est devenue obligatoire avec les carres cachées ; mais, pour le nordique, les carres ne sont l’apanage que des skis de randonnée.

-------

(*) Personnellement, j’ai relevé 61 modèles d’avant les années 60 : donc une étude exhaustive serait irréaliste, aussi nous contenterons nous de rester dans les généralités sauf pour quelques modèles particuliers et/ou originaux bien documentés. CR.

Les matières utilisées

Tout peut se voir (même la corne paraît-il) du moment que c’est plus dur que le bois ou la semelle du ski ; en pratique, on trouve :

• L’acier trempé

‘’Glisse’’ très moyenne et les aciers très durs ne peuvent pas être facilement limés. Les carres suisses SATANS* étaient réputées les plus dures dans les années 30.

Depuis le milieu du siècle, ç’est devenu la seule matière utilisée pour le ski alpin, surtout grâce aux aciers spéciaux disponibles.

(*) On trouve aussi souvent l'orthographe ''SATAN'' (sans 'S'): laquelle est la bonne ??

 Le laiton (ou bronze)

La meilleure glisse sur neige froide : plus élastique que l’acier mais peu de ‘mordant’ et usure plus rapide. Assez répandu dans les années 30/40.

 L’aluminium

Léger, bonne glisse sur neige humide mais facilement déformable et usure rapide. 
Ex : les Lettner Hummel* et les Stäubli suisses (1934) puis nombreux skis de randonnée nordique de la fin du siècle.

(*On remarquera ici, l’ovalisation des trous de vis : ça permet un léger jeu nécessaire à la variation de la flèche du ski, solution retrouvée chez plusieurs autres fabricants.

 Le celluloïd (cf §1 Semelles) Appelé quelques fois ''Rhodoïd".

Légères, facilement collées et ponçables, ces carres s’usaient vite, étaient peu mordantes, mais avaient une excellente glisse dans toutes les neiges et se changeaient sans problème.

Utilisé parfois jusque dans les années 50 en carres de semelle, puis ensuite, seulement sur le dessus du ski comme carres de protection.

• Le PlexiglassGenre de verre acrylique (plastique) découvert au début du siècle et commercialisé à partir de 1937. 
Utilisation anecdotique pour des skis de fond (par exemple pour la marque jurassienne BONNEVILLE dans les années 50).

 L’os (appellation populaire mais totalement fausse).

Des carres ‘’en os’’ sont mentionnées dans quelques publications des années 30/40 : mais Frendo, dans son livre, donne la clé de cette appellation erronée : il s’agit en réalité de la GALALITHE (= pierre de lait).

C’est un polymère ‘caséine de lait/formol’, utilisé surtout en bijouterie car il imite bien l’ivoire.

Bien que très glissantes, ces carres ont été rapidement abandonnées à cause de leur rigidité et fragilité.

 Les bois durs (Hickory, teck, ébène etc…) 

Usure inégale, légers. Utilisés uniquement pour les skis nordiques jusque dans les années 50/60.

 Le LIGNOSTONE® (pierre de bois)

Brevet Fritz Pfleumer de 1915 :  bois (hêtre) comprimé à chaud avec de la résine : nettement plus dur que l’hickory, facilement collé et réparable.

Utilisé surtout pour des skis nordiques (encore maintenant).

 La toile (Preßtoff®)

Invention allemande (Lorentz) du début du siècle : il s’agit de couches de tissu comprimées à chaud avec imprégnation de résine. 

Donne des carres très légères, non cassantes et dont le collage avec le bois est extrêmement résistant. Usage rare, mentionné pour les skis nordiques (prof.Altrock).

 Les associations

On notera des exemples de carres bi-matière sur la même section tels que l’allemande Weisshorn ou les suisses Kunst ou Sanner (cf ci-après)

Leur position


Pendant longtemps, les carres se sont arrêtées avant la spatule (pour préserver sa souplesse), voire même n’étaient posées que sous le patin. 
Plusieurs types de positionnement sont trouvés:

• à plat sur semelle :

- Ruban affleurant le bois :
Exemple : carres LETTNER (les + répandues en France et Autriche), ERIKSEN 1 (la plus répandue en Norvège) STÄHLICOLOMBUS (CH) du milieu des années 30, puis BERNINABJORK, BERTHET etc… enfin toutes les marques de ski de l’après-guerre.  
On a même vu, en 1942, un suisse (Kohler) proposer 4 carres sur le même ski : 2 latérales classiques + 2 centrales bordant la rainure ! 
- Ruban affleurant une semelle rapportée :

Bord à bord au début, puis carres masquées (années 50) et enfin, vraiment cachées à partir des années 60.

• latérale sur chant :

Le ruban est fixé sur le chant du ski, donnant une carre peu gênante pour la ‘’glisse’’; mais cette position le rigidifiait beaucoup. Ex. : carres… ERIKSEN 2 (1938), NORGE (1933), OBERLANDBÄCHTOLD etc…

• en oblique :

L’angle de 45° au début (skis bois) est passé à ± 20° dans les années 50 avec les skis métallique. Carres peu gênantes et moins ''rigidifiantes'' mais fragilisant le bord de la semelle des skis bois.

Ex. : FORCHTNERBECHLERASMÜ et enfin NORGE et HEAD en 1951.

• en angle (cornière) :

Trés rigidifiantes.  Ex. : SATANSOBERLANDPARSENN et LÄMMER.

• en U :

idem et inarrachables ! Ex. : BERGER, KULM.


Leur fixation

C’est un problème crucial vu les fortes contraintes mécaniques qu’elles ont à supporter : variations de la flèche (courbure) et chocs directs.

Les clous (ou des chevilles) d’abord puis les vis ont été le moyen le + utilisé jusque dans les années 50. A cette époque, lors de l’arrivée des skis métalliques, le rivetage a été la règle pour eux, sauf exception. (cf photos en fin d’article).


Souvent, à tous ces moyens, s’ajoutait le creusement d’une gorge pour insérer des carres en forme de 'T' ou 'L' inversés (Ex. : les RUBI) ; mais on trouve aussi des carres seulement encastrées en force dans cette gorge (ex. les FORCHTNER, BECHLER,  KULM etc…).

Le collage, souvent associé à tous ces moyens, est devenu exclusif à partir des années 60 (colles souples et carres cachées).

Les carres combinées

Dans les années 30/50, on a de nombreux exemples où les carres diffèrent entre l’avant (et souvent l’arrière) du ski où elles sont en laiton (ou celluloïd ou alu), alors que le reste de la longueur est équipé de carres acier (cf photos en fin d’article).

- Quel intérêt ? souplesse (laiton, celluloïd) allègement (celluloïd, alu), sécurité et glisse (celluloïd, galalithe).

- Exemple 1 sur skis Jacober (CH)

Double combinaison de position (à plat /chants) et de matières (acier /celluloïd).


- Exemple 2 sur skis italiens :

 Sur cette photo trouvée sur internet, on remarque 3 carres de matières différentes:

• des carres sous le patin en métal (alu probable). 

• des carres de spatule en “os“ (galalithe) dont une est cassée et l’autre a été remplacée par une carre noire certainement en celluloïd.

On voit bien ici que ces carres en galalithe, rigides et cassantes, ne sont pas du tout appropriées à un usage en spatule, partie la plus souple du ski.


Carres cachées et carres cachées


Par ce titre volontairement provocateur, nous ferons une mise au point sur cette appellation qui, en réalité, couvre les 2 façons rendre les carres peu visibles, dualité rarement décrite.

Nous détaillerons ce chapitre car nous avons découvert que, contrairement à la légende, elles n’ont pas été inventées dans l’après-guerre mais une vingtaine d’années auparavant.

Elles ont été un progrès incontestable mais leur démocratisation n’a commencé que dans les années 50 ; et ce n’est qu’à la fin des anées 70 qu’elles ont totalement chassé les carres apparentes.

D’abord, pourquoi cacher les carres ?

Nous avons vu que pour une carre, l’acier était le matériau idéal si ce n’était sa très mauvaise ‘’glisse’’ et sa tendance au botage : tous les fabricants ont alors cherché à réduire au maximum la surface d’acier au contact de la neige d’où les essais de positionnement sur chant ou en oblique, essais non concluants et abandonnés.

Le recouvrement du talon seul a été la meilleure solution trouvée.

Lesquelles sont concernées ?

Il faut un profil en ¬ ; la partie horizontale, mince, est le talon, et le rebord (court et épais) est la nervure qui seule, devait rester visible : c’est donc seulement le talon, fixé sur l’âme du ski, qui devait être caché.
Ce profil, qui date des années 30, est celui repris dans le brevet Michal après la guerre (voir § ‘Dynamic’ ci-après) : devenu universel, il est toujours utilisé au 21ème siècle.

Comment cacher la partie à cachér ?

Par un masque :

Même si ce masque est dans la même matière et couleur que la semelle, on verra toujours une solution de continuité avec la carre
- Sur les skis à semelle bois (schéma n°1):

Le dessous du ski est fraisé pour loger le talon + la nervure. La carre est fixée classiquement et le talon est recouvert d’une baguette bois qui vient affleurer la semelle.

On trouve ce système dès les années 30 avec la carre SANNER (cf ci-après).

 

- Sur les skis à semelle rapportée (schéma n°2):

C’est le procédé qui a débuté à la fin des années 40 avec l’apparition des semelles en celluloïd (CellolixTEY-Tape, etc…) qui étaient collées entre les carres ; le talon de la carre était ensuite recouvert d’un ruban collé, qui cachait en même temps les vis ou rivets.

C’est Dynamic[1] qui l’a popularisé en 1950 sur son modèle ‘K’, suivi par plusieurs autres fabricants ; mais ça n’a été qu’une transition d’une dizaine d’années environ. 


• Par la semelle elle-même:

Il s’agira ici des véritables carres cachées, telles que nous les connaissons aujourd’hui. Elles sont posées lors de la fabrication du ski et il n’y a donc plus de séparation visible sur la semelle.

- Sur les skis en bois massif (schéma n°3):

La carre est enfoncée dans une rainure latérale creusée dans le logement fraisé de la nervure. 
Ça a été utilisé dans les années 30 avec les carres Nori et Peterlongo (cf ci-après)

- Sur les skis à semelle rapportée (schéma n°4):
Semelle en bois :

Vu aussi dans les années 30 avec la carre Hansen-Ruud (cf ci-après). 

Semelle plastique :

Procédé utilisé à partir de la fin des années 50.

C’est Head qui, le premier, les a utilisées, mais c’est Dynamic qui a avait pris le 1er brevet. Tous les fabricants ont rapidement suivi.

Étude des 1ères carres cachées (années 30)

Nous donnerons ici 4 exemples, mais il y en eu d'autres pour lesquels nous n'avons pas de confirmation de leur utilisation réelle. 

- Carres SANNER Kombi (CH)

¬ en métal dont l’angle interne est comblé par une baguette de bois collée (ou celluloïd), ne laissant apparaître que la partie étroite. Pas de brevet trouvé. 
Il s’agit donc de l’ancêtre des carres masquées (schéma n°1) .



- Carre HANSEN-RUUD (N)

Brevet KJ. Hansen de 1931 – fabrication Sigmund Ruud en 1933. (Schéma n°4)

Carre de genre cornière : la partie horizontale est fixée à plat sur un ski bois ; elle est recouverte par une semelle en bois généralement plus dur (Hickory souvent). On obtient donc une carre cachée véritable, très étroite, et un ski précurseur des skis bois multicouches !

- Carre NORI (CH?)

C’est une découverte sur un ski bois Staub de la collection d’Époq’Ski, qui a remis en question la prééminence de Dynamic dans l’invention des carres cachées actuelles.

Il s’agit d’une vraie carre cachée, non fractionnée, de section 3,5x3,5mm ; elle n’est posée qu’aux ¾ arrière. À l’avant, il y des carres acier classiques à plat, plus souples donc.

Le système est celui du schéma n°3 ci-dessus sans vis ni chevilles visibles, seulement des restes de colle. Pas de brevet trouvé. 

- Carres PERTERLONGO (I)

M.Woehrle nous a envoyé cet extrait du 'British Ski Year Book' de 1935 montrant une carre cachée identique à la Nori ci-dessus, mais fractionnée et dont la nervure est clouée.    (Schéma n°3)

[1] ) Jean Michal nous a révélé qu’ils avaient utilisé aussi du plastique injecté à la place d’un ruban collé.

Quelques carres originales

• Carre ATTENHOFER Rubi (CH – 1931)

Une des rares carres continues mais néanmoins, réputées. En 1931, laiton seul, puis plus tard, laiton ou acier au choix.  
Profils en ‘T’(acier) ou ‘L’(laiton) inversés ; fixation transversale par clous ou chevilles, très solide mais nécessitant un outillage spécial. 
À noter l’allongement des trous de fixation qui donnaient une grande liberté aux variations de la flèche du ski.


 Carre BERGER SATANS (A – milieu années 30)

Solide et inarrachable mais fort effet raidisseur. En général, montées seulement au milieu du ski.



 Carre FORCHTNER (A – 1934)

Très probablement, la 1ère carre oblique réellement commercialisée.

Bande d’acier à ressort de 6x2mm avec pattes de fixation groupées 2 par 2 tous les 4cm. Elle est logée dans une rainure profonde de 4,5mm et inclinée à 45°. Le montage se fait par frappe et les pattes s’écartent en s’enfonçant.

Le métal n’est que très peu exposé, ne freinant pas le glissement et ne rigidifiant pas trop le ski. Mais fragilisation du bord de la semelle et remplacement de la carre impossible.

Ces carres étaient commercialisées en France par la Manufacture Franco-Suisse (Grenoble).







 Carre HAMMER Parsenn (D – milieu années 30)

Continues et en laiton: cornière vissée sur le chant du ski.  

Pour réduire le poids et augmenter la souplesse, un évidement a été fait sur la barre latérale, entre les vis.

 Carre GLOCKNER (A – 1934)

Système ingénieux mais fragile.

Carre métal qui coulisse dans une glissière, vissée ou collée ; Altrock signale que cette glissière pouvait être en ‘’Presstoff’’.


Peu d’effet raidisseur, mais alourdissement important.


• Carres COLOMBUS (1938)

Fabriquées en Autriche par Rakovski et en Suisse par Attenhofer.

La jonction de 2 carres se fait par chevauchement, la partie inférieure ayant le trou de vis ovalisé pour permettre un certain glissement. Mais nécessité d’un léger surcreusement sous cette jonction.


• Carres BERTHET (1938)

Carres acier étroites, fixées par rivet bloqué par une cheville. 

Éléments de 10cm de long en spatule.

Raccords n’utilisant qu’une seule vis.



 Carre HOERLE (USA – 1948)

Chris Hoerle tente un ski inox (Chris ski) avec des carres inox très étroites (5mm) collées ; cette faible et inhabituelle largeur, a fait qu’il soit cité partout, mais à tort, comme l’inventeur des carres cachées dont elles n’avaient que l’apparence !

• Carres DYNAMIC (F – 1949)

Paul Michal, le fondateur de la marque Dynamic, a été à l’origine de deux innovations marquantes qui ont contribué à la renommée de la firme.

- Carres cachées:

Brevets Michal de 1949 (979.589 et complément 60.548). Ils montrent :

• des profils de la carre elle-même dont seul le ‘’14’’ correspond à celui qui est passé à la postérité (fig.4)

• les façons de recouvrir cette carre pour la cacher (ici, par la semelle).

 

Michal est donc le “réinventeur“ des carres cachées : son brevet est antérieur de 2 ans à celui de Head, mais c’est une antériorité théorique car Head les aurait utilisées avant Dynamic : en effet, les 1ères carres dites ‘’cachées’’, celles du Dynamic K, étaient en réalité des carres seulement ‘'masquées'’ par un ruban de Cellolix rapporté (cf photo en fin d’article).

À signaler une note de Jean Michal que nous reproduisons ici : « D'ailleurs pour rentrer dans le détail, ce n'est pas deux versions de couverture de la carre cachée qui existent mais trois. En effet mon père avec les Etablissements Convert à Oyonnax, ont mis au point vers 1950, des carres cachées avec une couverture du talon 14 injectée en Cellolix qui pénètre dans les lumières 14a du talon. Au droit des trous de vis, le moule d'injection présente des ergots cylindriques permettant de laisser ces trous à découvert pour permettre le vissage de la carre cachée acier. »
Carres ''élastiques'':

Brevet Fouillet/Michal de 1965 (n°1.475.632) : 

Vraies carres cachées modernes qui permettaient de quasiment éliminer l’effet raidisseur.  Succès international.

Commentaire de ce dessin par Paul Michal : « … pour la compréhension du schéma, la figure 11 montre un espace entre les lèvres de la coupure 22. En réalité, la nervure 20 est fracturée par cisaillement … et non pas sciée, ce qui laisserait un espace néfaste pour la glisse. Au droit de cette fracture, l'anneau 23 se déforme élastiquement sans entraver la souplesse du ski lorsqu'il fléchit dans les creux de la piste. »

 

 Carres HEAD (USA - 1951 …)

Le Head Standard (1951à 1966?) est souvent signalé comme le premier à avoir les carres cachées du brevet Hoerle ! Mais nous avons vu que c’est doublement faux : Head utilisait bien ce brevet, mais uniquement pour le collage et, de plus, les carres Hoerle n’étaient pas du tout cachées.

Mais, bien que le brevet Michal soit antérieur au sien, c’est certainement Head qui a été le 1er à commercialiser des carres cachées modernes (les ‘’vraies’’) à partir des années 60.

Le brevet Head (2.694.580 – 1951/1954) montre plusieurs variétés de carre dont seules 2 ont été utilisées; mais une intermédiaire (la 2) ne figure pas dans les brevets trouvés.

Les 3 séries de carres :

• Série I (années 50) 

Carre platte oblique (à environ 20°) qui donne seulement l’apparence d’une carre cachée. Aurait été abandonnée en même temps que la TeyTape (ref.Massia).

• Série II (années 50 - fin ??)

Carre en ‘¬’ mais à talon oblique ; elle ne figure pas dans le brevet mais dans une illustration de Skiing (source M.Woehrle) : on peut la considérer comme une carre véritablement cachée car le talon est bien couvert par la semelle elle-même, et la nervure reste visible.

• Série III (années 60)

C’est la même, mais avec le talon horizontal tel qu’il figure sur le brevet Michal : c’est celui qui va passer à la postérité.

À signaler qu’en 1970 aux USA, Head produisait des skis ‘’Killy GS 800’’ avec les carres élastiques Dynamic. 

 Une pépite: les carres ‘’d’os’’ de la collection Ducrey

Ces carres méritent un chapitre spécial de par leur caractère assez extraordinaire et complexe de carres combinées. Patrick Ducrey les a sur des skis en bois massif (sans marque) des années 30/40.

- Description (cf schéma ci-contre) :

On trouve : 

(1) des carres acier classiques à plat sur la semelle mais uniquement en spatule et en talon.

(2) d’autres carres acier sont montées verticalement sur les chants du ski, sur environ 70cm. Leur bord inférieur affleure donc le bord de la semelle.

(3) d’autres carres sont clouées à plat sur la semelle le long des précédentes dans une rainure : il s’agit de courtes baguettes d’une matière ressemblant à de l’ivoire ou de l'os : il s’agit donc, très certainement, de GALALITHE.


- Pourquoi une telle complexité ?

Les carres à plat en galalithe glissent très bien mais sont rigides et cassantes; celles en acier glissent mal et bottent facilement. Mais, depuis leur fractionnement par Lettner, elles limitent moins la souplesse du ski.

Les carres verticales sur champ limitent beaucoup la surface de (mauvais) glissement mais rigidifient beaucoup le ski.

Donc il est très probable que les carres de galalithe aient été destinées à limiter la perte du glissement qu’il y aurait eu si l’acier avait été conservé tout le long.

-       Mais alors pourquoi la galalithe n’a t’elle pas été utilisée partout comme on le voit parfois avec le celluloïd ? Sûrement à cause de leur rigidité qui les ferait casser à la flexion de la spatule (cf chapitre ‘carres combinées’).

-       Et pourquoi les carres sur chant ? Ça doit être destiné à protéger celles en galalithe contre la flexion de leur support et les chocs externes. Spatule et talon peuvent ainsi garder leur souplesse et le milieu du ski, avoir une meilleure glisse sans que la rigidification entraînée soit gênante.

 

 L'inclassable ski Vicki:

Le Musée Dauphinois nous avais prêté un proto Vicki tout à fait particulier: un ski bois avec spatule en alu se continuant sur la demi semelle pour former de larges carres.
Lien ''Vicki'' en fin d'article

Un exemple de fausses carres:
Vues sur un Aluflex pour junior (ou dame ?) des années 50: on a l'aspect de larges carres en alu; mais à l'examen, il s'agit en réalité de la semelle alu dont le centre est couvert d'une mince bande glissante collée; peut-être de la TEY Tape ?

Épilogue

La France apparaît quasi-absente dans le foisonnement des variétés des années 30.

Mais ensuite, la firme Salomon d’Annecy qui a débuté en 47 avec les carres acier, en est devenue le principal fabriquant. De même les carres élastiques de Dynamic ont été adoptées mondialement dans les années 70. 

Les aciers se sont aussi beaucoup améliorés grâce à des alliages spéciaux plus résistants et plus souples.

Sources

-Die Skikanten - prof.Hermann Altrock - Universität Leipzig - 1935

-Edges - Canadian ski year book - 1937

-Handbuch des Schilauf – König Beraueur - 1943

-Le ski – Ed.Frendo - 1946

-Stalkåntene – Jakob Vaage - 1980. Traduction M.Achard

Egalement: Jean Michal, Maurice Woehrle et Michel Achard. 

Photos


Doc. Musée d'Oslo
Doc. Musée d'Oslo
Ski années 20, modifié dans les années 30/40 (fixation + carres)

Ski nordique, étroit des années 50.

La toute 1ère série d'Aluflex

La 2ème série d'Aluflex
Skis suisses, années 40/50

Skis français, années 30/40

Skis français M&E, années 30/40

Carres Mont Dore en alu, années 30/40


------
Fin des 3 articles sur l'envers des skis. Par C.Richardin et avec la participation de Maurice Woehrle et Jean Michal.              
===============

<= Retour accueil