Au 20ème siècle, AUTHIER a été un nom connu dans le monde du ski, même en dehors de sa Suisse natale : il mérite donc qu’on essaye de le sortir de l’oubli qui le guette !
Histoire de l’entreprise (1910-1995)
1910 : près de Genève, dans le village de BIÈRE (canton de Vaud), le charron John AUTHIER fabrique des articles en bois (râteaux, fourches, brouettes etc…) pour les agriculteurs. =>
De grosses commandes de manches de pelle pour les barrages hydroélectriques, lui permettent un développement important.
1927 : construction de l’usine qui fabriquera les premiers ski
1935 : 1ére victoire en compétition.
1936 : la production se diversifie (piste, fond et saut) et atteint 2.000p/an avec 50 employés.
1948 : naissance du Vampire, le modèle emblématique de la firme.
1953 : décès de John ; ses 2 fils reprennent l’affaire.
1957 : la fabrication des skis spéciaux de compétition est arrêtée ; seule celle des skis ‘grand public’ est maintenue.
1960 : incendie de l’usine ; la fabrication est transférée provisoirement à Orbe (ex. ateliers des moulins ROD).
1962 : la nouvelle usine est achevée à Bière et devient la plus grande usine suisse de skis ; elle utilise les dernières technologies pour les skis en métal, matière synthétique et bois. Une tentative de diversification vers les skis nautiques et les skis courts, fait ‘long-feu’ et est rapidement abandonnée.
1968 : Authier y assure 15% de la production suisse dont il est le ‘leader’. 46.000 paires vendues (70% métal, 20% fibre de verre, 10% bois).
1970 : association avec l’américain ‘OLIN’ qui achète l’usine de STANS* ; la nouvelle raison sociale est : ‘Olin-Authier SA’.Rapidement, les frères Authier se retirent de cette société.
1972 : fermeture de l’usine de Bière : 120 personnes au chômage.
1973 : ROSSIGNOL rachète cette usine ; la direction de celle de Stans est confiée à Gaston Haldemann (voir l’article § annexe).Les skis (65.000p/an) sont produits sous la marque Rossignol pour les skis de compétition et Authier pour les autres.
1977 : le record mondial de vitesse est battu par Pino Meyer sur des skis Authier à 196km/h.
1987 : les usines produisent 87.000 paires de ski : 1/3 d’Authier, 1/3 Rossignol et 1/3 de Lange (dont les chaussures sont fabriquées aussi à Stans).
1988 : la production des skis est délocalisée en France et en Espagne. L’usine de Bière est mise en vente.
1989 : usine et marque sont reprises par un horloger suisse (P.A Blum pdg du groupe EBEL). Il s’associe avec Haldemann qui devient directeur technique.
Le marché du ski est en baisse d’où des essais de diversification avec les vêtements (Authier Life Style) et de VTT pliables.
1990 : pour fêter ses 80 ans, Authier lance une réplique du Vampire. (cf pub en fin d’article).
1994 : Reprise de l’usine par KNEISSL et la raison sociale devient ‘Nouvelle Authier SA’.
Dernière tentative de relance avec un ski spécial pour la promotion des JO : “The Lausanne 94 - Authier Official Ski“.
1995 : fermeture définitive de l’usine de Bière.
*) voir § Rossignol-Haldemann et Authier ci-après.
Les skis
Nous nous contenterons d’exemples qui sortent de l’ordinaire et pour lesquels nous avons des renseignements.
La gamme SUISKI (1928)
C’est le lancement de la fabrication des skis avec le logo aux 3 sapins : comme tous ceux de l’époque, ils sont en bois massif.
Le FIS-SUPER (1935)
Ski de compétition avec le logo de la ville de Bière. Il était en hickory et contreplaqué, ce qui pour l’époque, était assez innovant.
Il a donné à Authier sa 1ère grande victoire aux pieds de Willy Steuri (descente de l’Arlberg-Kandahar).
Le VAMPIRE (1948)
C’est le grand succès d’Authier : nous allons donc nous étendre sur le sujet !
Son nom est celui du 1er chasseur à réaction de l’armée suisse (acheté à ‘De Haviland’). Ce modèle (de ski, pas d’avion !) doit beaucoup à l’ingénieur Alfred Überschlag.
- Genèse : 2 brevets de John Authier
• Brevet CH 259.480 (1947/49).
Ski bois multicouches entre lesquelles sont inserrées de fines lamelles d’inox d‘1mm d’épaisseur : 4 lamelles de 2x60cm à l’AV et 2 de 3x40cm à l’AR ; elles recouvrent les joints entre les lattes de bois verticales.
Le texte du brevet laisse la possibilité de changer le nombre des lamelles.
• Brevet CH 276.442 (1950/51). C’est celui de la version définitive.
Apparition de ‘creusures’* transversales médianes dont la profondeur diminue progressivement dans les 2 axes : vers les extrémités et l’extérieur.
Elles sont destinées à augmenter la souplesse.
• Il y a donc eu une légère évolution du Vampire à partir 1950, sans que ça ce soit visible extérieurement.
*) C’est le terme exact utilisé dans le brevet. On pourrait dire daussi "évidemments" ?
- Les résultats en compétition :
Ils ont assuré la réputation de ce ski et de la marque :
- Débuts en 1948 aux JO de St Moritz avec des résultats prometteurs ; la Fédération suisse sélectionne le Vampire pour ses futures compétitions.
- Aux USA, Georges Schneider gagne l’or des slaloms à Aspen en 1950 (Championnat du monde) puis à Sun Valley. Ensuite, médaille d’argent à Banff.
- Madeleine Berthod remporte deux médailles d'or (descente et combiné) aux JO de Cortina d'Ampezzo (1956).
Après 1956, ces 5 médailles figureront sur tous les Vampires, permettant ainsi de les dater.
- Conclusion :
Pendant une dizaine d’années, le Vampire a été la ‘poule aux œufs d’or’, d’Authier ; il était vendu 100 F (suisses) alors qu’un Head Standard, trois fois plus cher, était nettement moins ‘bon’ (sauf en ‘haute-neige’°).
°) C’est le nom que les valaisans donnent aux neiges profondes et/ou poudreuses !
À noter…
…qu’en 1950, les établissement MICHEL (Savoie) le fabriquaient sous licence et le commercialisaient dans leur gamme TRIXYLO (cf lien en fin d'article)
…qu’en 1990, une petite série « 80ème anniversaire » a été proposée (voir affiche en fin d’article).
Le LILLIPUT (1962)
Ski court en bois ‘bas de gamme’ et bon-marché : ça a été un échec commercial car la mode des ‘mini-skis’ n’était pas encore lancée !
La gamme ‘COMPETITION’ de 1978
• Le ‘GS’ : Programme slalom géant =>
Métalloplastique : noyau creux mono canal en fibre de verre + 2 noyaux de mousse de PU + sandwich fibre de verre et alu.
• <= Le ‘SL’ : Programme ‘slalom spécial’
Noyau creux à 3 canaux dont un est rempli avec de la mousse de PU. Fibre de verre et 3 lamelles métalliques au-dessus.
On retrouve donc ici la structure Haldemann du célèbre Rossignol ‘Equipe suisse’ de 1970 et qui était né dans l’usine de Stans (cf § annexe ci-après).
Les gammes ‘RALLY’ et ‘JUNIOR’ de 1978
Quatre modèles ‘adulte’ (TARGA, SURF, FUEGO et FALCO) et trois ‘junior’ (TR-4, Delta et Flash).
On retrouve des structures proches de celles des Rossignol de l’époque avec, pour la plupart, des noyaux en mousse de PU et de la fibre de verre/époxy ; certains rajoutent de l’alu.• Exemple avec le Rally SURF qui montre l’insertion d’une lame d’alu dans le noyau PU =>
<= • Exemple avec le Junior DELTA qui garde un noyau bois multicouches (comme le Falco de l’autre gamme)
Document 1990
Publicité pour l’essai de ‘réédition’ du Vampire avec la championne suisse Doris de Agostini.
On voit que l’aspect extérieur du ski original est à peu près respecté, mais en est-il de même pour l’intérieur ?
En effet, les ‘affaires’ d’Authier ne semblent pas avoir été très florissantes à l’époque et il paraît donc très improbable, qu’il y ait eu création d’une ligne de fabrication ‘à l’ancienne’ alors qu’il suffisait d’un simple décor sur un des modèles de l’époque !
§ annexe : Authier, Rossignol et Haldemann …
Un ménage à trois dont nous allons essayer d’éclaircir l’histoire assez embrouillée !
Préhistoire
- En 1957, à Baar (Suisse), Gaston et Willy HALDEMANN fabriquent des skis en fibre de verre.
- En 1958, Gaston prend un brevet très original de skis ‘creux’ qu’il propose à Kneissl mais qui le refuse (voir “Skis fibre de verre“ : lien en fin d’article).
- En 1960 : Rossignol, lui, l’avais accepté ; il embauche Gaston pour passer à la réalisation de son procédé dans l’usine de Voiron : ça sera le FIBERGLASS =>
L’usine de Stans
- En 1965, ROSSIGNOL s'associe avec Haldemann (=> Haldemann-Rossignol AG) pour acheter une usine à STANS (près de Lucerne) pour qu’Haldemann y produise ses skis creux sous la marque Rossignol : le FIBERGLASS y sera fabriqué avec le nom ‘GT’. (Haldemann-Rossignol AG)
Donc apparemment, le Fiberglass n’a été fabriqué dans l’usine de Voiron que jusqu’en 65 et, ensuite, uniquement à Stans.
- En 1969, la société ‘Olin-Authier SA’ reprend l’usine et la production est diversifiée (skis Olin et chaussures Lange) en plus des skis creux Rossignol.
- En 1972 : Haldemann rajoute du Zicral au Fiberglass qui devient le célèbre Rossignol ‘ÉQUIPE SUISSE’.
<=
Toute une gamme dite “Rossignol suisse“ est commercialisée =>
- En 1976 : la production Rossignol de Stans est arrêtée et Haldemann s’en retire.
- En résumé : apparemment, aucun ski n’a été fabriqué à Stans sous la marque Authier.
L’usine de Bière
- En 1973 : rachat par Rossignol.
- En 1976 : la production des skis ‘creux’ y est transférée. D’après notre catalogue de 1978, des skis creux ‘Haldemann’ avaient donc la marque Authier; mais il est possible que d’autres aient conservé la marque Rossignol (l’Équipe suisse peut-être ?).
- En1988 : arrêt définitif de la production des skis ‘creux’ du procédé Haldemann. Mais celui-ci restera directeur technique chez Authier.
Sources
Remerciements à Maurice Woehrle pour les données sur l’époque Rossignol.
- Journal la Côte du 5/4/2013 : « De la fourche aux skis : un seul pas ».
- Journal de Cossonay du 24/5/2020 : « Les skis Authier, une entreprise de légende »
- 24heures.ch du 3/8/2016 : « L’ancienne usine Authier s’est muée en centre artisanal »
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Vers l'article “SKIS FIBRE DE VERRE“ =>