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Les fixations Huitfeldt

En 1908, Fritz Huitfeldtdéclarait dans son livre : « Il n'y a rien dans le domaine skiable qui ait causé autant de problèmes que la fixation » : cette affirmation allait continuer à se vérifier tout au long du siècle et Huitfeldt a contribué (un peu) à les résoudre : en effet, sa fixation a été une étape marquante dans l’histoire, du fait de…

… sa technologie : introduction des étriers métalliques.
… sa résilience : pas d’autre exemple de fixation commercialisée durant 40 ans. 

 

Mais, comme dans la plupart des ouvrages ou sites, nous parlons souvent de LA fixation Huitfedt, alors qu’elle a eu plusieurs variantes et modèles.

Dans cette étude, nous séparerons étriers et bridage puis nous verrons les principales fixations réalisées.

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*) Le nom ‘’Huitfeld’’ (sans ‘t’) est très souvent utilisé. De même on voit quelques fois ‘’HuitfeldtS’’

L’homme

Fritz Huitfeldt (1851-1938) était norvégien, skieur et, à partir de 1868, compétiteur ; il a, par exemple, lancé un style personnel pour le saut à skis parallèles.

De 1886 à 93, il a été secrétaire de l’« Association pour la Promotion du Ski » à Kristiania*.

À partir de 1894, il prend 29 brevets ; mais les deux premiers (de 1894 et 97 : les plus importants) ont été achetés par Hagen chez qui il travaillait alors, et ne lui ont donc rien rapporté ensuite (cf K.Berg) !

Ensuite, il ouvre son propre magasin de sport et un atelier de fabrication de skis. Il participe à plusieurs expositions internationales où il est souvent médaillé d’or.

En 1896 il publie un ‘SKIMANUALEN’ (Manuel de Ski), et, en 1896, le livre ‘SKILØBNING’ (Course de Ski) mis à jour et réédité en 1908. En 1907, il avait été publié en allemand (DAS SKILAUFEN).

Il publia également plusieurs brevets et ouvrages sur la chasse et la pêche.

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*) =Christiania= nom d’Oslo avant 1925.

Le contexte de l’époque (fin du 19ème s.)

La Norvège domine le (petit) monde du ski, tant pour la pratique que pour le matériel.

Pour la fixation, c’est le règne des brides passant dans une mortaise* ; les vis de l’époque ne tiennent pas bien dans du bois humide et ce mode de bridage permettait de s’en passer totalement.

Dans la 2ème moitié du siècle, un bridage talonnier apparait pour retenir la chaussure vers l’AR ; 

Exemples :

• Fixations tout cuir : 
-   fix.laponne à longue lanière  
fix.Torgersens : ressemble à la Huitfeldt B mais l’étrier est en cuir.

• Fixations en osier tressé et fixations en jonc:


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*L’usage de la mortaise dans les skis, remonte à la préhistoire (cf M.Woehrlé : ski de Hoting - 4500 ans av.JC).

 

Les étriers Huitfeldt

Ils sont en fer et c’est la grande innovation apportée.

Leur caractéristique commune est que leurs ‘joues’ pouvaient (et devaient) être réglées au marteau pour s’ajuster à la largeur de la chaussure. 

C’est rustique, peu pratique mais donne un résultat très stable avec une un guidage latéral bien meilleur que celui apporté jusqu’alors par le cuir ou l’osier.

On trouve les 2 principales variétés, correspondant aux 2 premiers brevets (source K.Berg, car nous n’avons pas pu les retrouver).

Étrier à boulons traversants (A)

1er brevet (1894). Les joues sont boulonnées sur 2 goujons entre lesquels passe la bride talonnière. Ce système n’a été que peu durable et peu répandu car il s'est révélé fragile (rupture des joues).





 

Étrier dans la mortaise (B)

2ème brevet (1897). 

C’est celui du modèle classique, le plus connu et on le retrouvera dans de nombreuses variantes, copies etc…  

Au début, l’étrier était placé dans un genre d’étui en cuir, puis, rapidement, seule la partie interne des joues était doublée de cuir ; dans les années 20, ce doublage disparaît souvent.

 

Le bridage

C’est la qualité de son cuir qui faisait le prix de la fixation qui pouvait ainsi, aller du simple au double.

Bride d’orteils :

Petite lanière classique, toujours avec une boucle à ardillon.

 

Bride talonnière dite ‘’Longue-lanière’’ (LL) : 

C’est le bridage le plus utilisé jusqu’en 1904 : le plus fiable, le moins cher, pratique* à mettre mais très difficile à défaire dans certaines conditions ; il a quand même gardé des adeptes jusqu’au milieu des années 20.

Il s’agit d’une lanière en cuir gras de 2m minimum, insérée en boucle et nouée suivant trajet bien codifié.


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*) mais seulement quand la méthode de pose était bien apprise !

Bride talonnière à boucle :

La bride unique passant derrière le talon, a été rapidement associée à une bride transversale sur le dessus du pied et, plus tard, à une 2ème bride transversale qui passait, plus en arrière, sur le cou-de-pied.

La boucle était…

… soit à ardillon : aussi difficile à mettre qu’à enlever ! Peu utilisée malgré son faible prix !


<= … soit avec le levier Høyer-Ellefsen (brevet de 1904) qui facilite grandement pose et dépose.

 

Par la suite, on a pu voir, parfois, d’autres boucles à levier (Rivas, Koski etc…)

 

Les modèles classiques

  Nous avons utilisé le classement alphabétique de Karine Berg. 

Mais dans de nombreuses publications la dénomination utilisée est ± anarchique, surtout dans les catalogues de détaillants que nous avons eu en main ! Par exemple, sur le Gleize de 1928, on trouvait 6 Huitfeld : A B C D H et L qui ne différaient que par le bridage.

 

Le modèle ‘’A’’ (goujons traversants) :

 C’est celui du brevet de 1894 qui n’a existé que peu de temps (fragilité). 

C’est le bridage ‘’LL’’ qui était utilisé dans tout ce que nous avons, vu sauf sur un seul : un dessin avec une bride à ardillon (ci-après).



Les modèles ‘’B’’ (étrier dans la mortaise)

Ce sont ceux du brevet de 1897 et seuls les 2 modèles ci-dessous, qui diffèrent par le bridage, sont représentatifs. 

Quand on parle de LA fixation Huitfeldt, il s’agit toujours d’une de celles-ci car c’est la ‘’grande classique’’, celle qui figure dans tous les catalogues et documents jusqu’au milieu des années 30.

C’est devenu un nom générique qui désignera, le plus souvent à tort, toute fixation avec un étrier passant dans une mortaise.

.   
Modèle B à Longue-lanière (LL) 

Entre 1897 et 1904, le bridage ‘’LL’’ était le plus utilisé, laissant très rarement la place aux boucles à ardillon.


Il a quitté les catalogues au milieu des années 20. À signaler, que dans ces années-là, il y avait eu des améliorations avec l’ajout d’un anneau de renvoi et/ou d’une boucle à levier.


 

Modèle B à boucle à levier :

Ce modèle ‘B’ n’est apparu qu’après 1904 avec la boucle Høyer-Ellefsen.




En 1911, cette fixation a eu son heure de gloire aux pieds de Roald Amundsen lors de son expédition au pôle sud*.


Son succès et sa longévité s’expliquent facilement par :

o   son faible prix

o   sa fiabilité 

o   sa facilité de pose

o   sa facilité de réparation même sur le terrain

… et malgré des défauts :

o   la fragilisation du ski par la mortaise.

o   le freinage et l’usure des courroies par frottement sur la neige.

o   la mauvaise tenue latérale du talon (mais c’était une caractéristique commune à toutes° les fixations de l’époque).

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*) en hommage, il existe depuis là, un cap Huitfeld en Antarctique 

°) excepté les autrichiennes Lilienfeld et Bilgeri !

Conclusion

Alors qu’avec 2 types d’étrier et 3 types de bridage disponibles, on aurait pu avoir 6 fixations différentes, seules 3 ont émergé : (1) ‘A’ / LL ; (2) ‘B’ / LL ; (3) ‘B’ / Ellefsen.

Et c’est la (3) qui est passée à la postérité comme LA Huitfeldt, celle qui est restée sur le marché international jusqu’au milieu des années 30*.


• Exemple en 1925 dans ce catalogue français :


• Deux remarques sur ce document : 

-       Les dénominations ‘A’, ‘B’ et ‘C’, fantaisistes et propres à ce détaillant.

-   Le prix qui va du simple au double (33-64F) suivant la qualité du bridage et des accessoires (une ‘Alpina’ suisse coutait alors 120 F).

À noter qu’en 1935, un des derniers détaillant la proposant (Polaud), vendait un modèle unique de 14,50 et 19 F suivant que le cuir était simple ou doublé.

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*) avant d’être ‘’détrônée’’ par la Kandahar.

 

D’autres modèles Huitfeldt ??

Nous ne savons pas quand les brevets Huitfeldt sont tombés dans le domaine public. Mais vu le nombre de fabricants qui, après la 1ère guerre mondiale, ont utilisé des étriers de type Huitfeldt on peut penser que la protection du brevet était échue !

 

Le modèle Huitfeldt ‘’1913’’

Nous avons vu un dessin d’un modèle breveté par Huitfeldt en 1913* mais que nous ne l’avons jamais vu nulle part, ni en photo ni dans un catalogue.

Le talon est rigide (métal ?) et reçoit une lanière dédoublée qui donne une légère position diagonale. L’étrier est fait de 2 lames rivetées entre elles et la large mortaise est remplacée par 3 petites. 

Plusieurs variétés, chacune avec des brevets et talonnières différentes°

 Ex. : Huitfeldt avec talonnière en fil d’acier (musée d’Oslo).




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*) N° 71364, déposé le 10/7/1913 en Norvège, enregistré le 10/3/1916 (talon métallique).

 °) Brevets 26856, 26879 et 26906 (non retrouvés - source K.Berg ).



Le modèle dit ‘’H’’

Il s’agit d’un nom donné par le détaillant qui la proposait dans un catalogue de 1928 et nous doutons qu’elle ait été réellement une Huitfeldt patentée.

C’est une chainette qui passe dans la mortaise, empêchant l’usure de la bride.




 

Le modèle ‘’Hinterzarten’’

Nous avons vu dans ce musée*, une fixation ainsi légendée : « Backen-Bindung mit Riemenöse und Huitfeld - Riemenführung ohne Stemmloch » : nous avons donc ici, un ski non mortaisé avec un étrier monobloc vissé attribué à Huitfeldt.

Mais nous émettons une sérieuse réserve à cette attribution, car nous avons lu que c’était un autre norvégien, Marius Eriksen qui avait lancé ce genre d’étrier monobloc vissé (aucun brevet retrouvé).


*Schwarzwälder Skimuseum 79856-Hinterzarten (Allemagne)




Un modèle à tendeur AV ??

Nous avons vu chez un collectionneur, cette fixation à étrier Huitfeld typique ; et son tendeur à levier paraît être identique à celui attribué à Huitfeld dans le catalogue ‘Ingab’ de 1934.

La coïncidence de ces deux éléments est très troublante et pourrait faire penser qu’il s’agit bien d’une ‘vraie’ Huitfeldt jusqu’alors inconnue ?  (à suivre !)

 

Documents




Toutes les fixations visibles sont des Huitfeldt

Sources

« A Binding Revolution », Skiing Heritage Journal,‎ 2002.

“ Fritz Reichwein Huitfeldt ” , Norsk Biographic Lexicon

“ Fritz R. Huitfeldt ” SkiløbningJacob Dybwad, 1908

 “ Ski i Norge ”  K. Berg, Oslo, 1993

“ Les sports de la neige » Fendrich trad.Auscher, Hachette 1912.


Remerciement à Michel Achard et à Maurice Woehrlé pour leur aide.

 

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FIN

 

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