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L'ÉPOPÉE DES SKIS FIBRE DE VERRE

Lors des études précédentes, nous avons vu que …

… c’était la qualité des fibres du bois qui faisait la qualité du ski.

… l’usage du métal avait été LA rupture technologique majeure.

Or l’usage de la fdv n’a été, lui, que la continuité de celui des fibres du bois : il n’y a pas eu de ‘révolution’ mais seulement une ‘évolution’ importante mais étroitement tributaire de celle des plastiques et des colles. 
Peu à peu, à partir des années 60, la fdv a pris une place capitale dans la gamme des matériaux utilisés et les skis sont devenus ‘composites.

La fibre de verre (fdv):

Le filage du verre est connu depuis l’antiquité, par exemple chez les verriers de Murano. 

C’est en 1836 (et en France) que le 1er brevet de tissage de la fdv aurait été déposé.

Mais les usages industriels sont restés très limités jusqu’à* ce qu’on l’utilise comme matière de renfort idéale pour d’autres matériaux, es­sentiel­lement les plastiques, et que les résines soient utilisées (polyéthylène puis époxy).

C’est la firme américaine Dupont de Nemours qui a été à la pointe du développement mondial de la fdv.

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(*) … l’immédiate avant-guerre aux USA et l’immédiate après-guerre en Europe.

Fdv et ski :

Ses qualités sont très intéressantes pour les skis qui deviennent ainsi plus légers et indéformables tout en restant souples et bien amortis.

• Deux brevets parlent, pour des skis, de toile et de fibres, mais pas ‘…de verre’:

-       brevet allemand ERSTE en 1931

-       on retrouve les mêmes idées dans le brevet HEM aux USA en 1946. 

• En 1948, apparition du mot ‘fdv’ dans un brevet de ski (RHEINFRANK - USA).


Nous arrêterons cette étude aux années 60 et en France, car dans cette période, l’usage de la fdv s’est répandu mondialement.

le BUD PHILLIPS (USA - 1952)

Une 1ère mondiale avortée.

Pas de brevet trouvé. Absence de bois, seulement noyau plastique renforcé fdv. 

La commercialisation a été très rapidement interrompue car il s’est révélé extrêmement fragile (décollage au bout de quelques heures !) : les exemplaires connus sont à considérer plutôt comme une tentative de présérie.

Le DYNAGLAS (USA – 1954)

C’est le vrai début commercial sérieux des skis fdv.

Brevet Jack Boison ; skis produits en Californie par la Dale Boison Company.

Noyau creux en fdv rempli de matière minérale inerte. Absence de bois. Tout est moulé.  
Diffusion uniquement aux USA et au Canada.



Les skis OBER (Autriche – 1954)

C’est probablement la 1ère fabrication de skis fdv en Europe mais, apparemment, seulement locale ? 

Noyau bois enveloppé de fdv imprégnée de résine polyester. Pas d’autres renseignements, sauf le nom des deux modèles successifs : Ober-Glasski et Ober-Dynaflex (source Thèse Felkel).

Le ski HALDEMANN (CH – 1957)

Logo HALDEMANN
Certainement, la 1ère production suisse.

Construction par les frères Haldemann (Gaston et Willy) à Baar:  fdv/époxy à noyau bois (pas d’autres renseignements) mais ça devait, probablement, être un classique sandwich ? 

À noter qu’en 1958, Gaston prend un brevet de ski fdv très original : proposé et refusé par Franz Kneissl, mais accepté, en 1960, par Rossignol (voir ci-après).




Le TONI SAILER (Canada - 1959)  

Il est considéré comme l’initiateur mondial* des skis modernes composites, 

Ski diffusé (uniquement ?) en Amérique du Nord et fabriqué par ‘’G.M.Plastics’’ de Montréal. Créé par 2 associés : -Fred Langendorf, l’ingénieur spécialisé dans la fdv

-Art Molnar, l’essayeur et le commercial.

Toni SAILER était un célèbre coureur autrichien (le Killy de l’époque) qui semble n’avoir servi que de prête-nom (ou plutôt de « vend-nom » !).


Il y a eu 2 versions successives avec des structures différentes, toutes deux sans bois :

1959 (ci-dessous) : noyau en mousse plastique entouré de fdv (pas de brevet trouvé).








•1965 : noyau en fdv avec canaux d’air (cf brevet) =>                                         


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(*) Mais c’est oublier le ski GOMME de 1948 : il était aussi ‘composite’ mais sans fdv (voir article sur les skis métalliques).


Les skis KNEISSL (Autriche - 1960)

Le WhiteStar n’est donc pas le premier ski fdv mondial comme on le voit souvent écrit dans des pubs et/ou des articles, mais il a été sûrement un des plus célèbres.

Son proto a été exposé (et médaillé) à l’expo universelle de Bruxelles en 1958 ; mais la production effective se fera plus tard et débutera sous un autre nom ! 

 

Structure : noyau bois multicouches, pris en sandwich entre 2 plaques préfabriquées en composite plastique/tissu de fdv et époxy. Carres supérieures en alu. Revêtement celluloïd blanc. Carres masquées puis, plus tard, véritablement cachées. 

Pas de brevet trouvé.

Production sous deux noms successifs :

• 1960 : l’EPOXY : ski peu diffusé, vite remplacé par son successeur dont il semble n’avoir été que la présérie.

• 1961 : le vrai WHITE STAR : c’est sous ce nom que l’Epoxy est devenu célèbre et a été fabriqué pendant 15 ans. Triomphe à partir de 1962 aux pieds de Karl Schranz puis dans de nombreuses compétitions.

Note : les dates de début réel du WS sont souvent discordantes : le proto de 58 portait bien ce nom, mais plusieurs auteurs oublient l’Epoxy et font débuter le vrai WS en 60. D’autres donnent 58 comme début de la production.

 

Les STRAVER (France – 1961)

Dépôt du brevet puis fabrication par Paul Peillex et René Collet chez ‘’BP PLASTIQUE’’ à Thonon puis à Perrignier.

Du fait de leur mode de construction, partiellement par extrusion (semelle et dessus) et moulage, ces skis passaient pour révolutionnaires ; mais débuts « difficiles ».


<= Modèle initial (le ’STRAVER’)

On trouve la structure n°4 du brevet mais avec seulement 3 ‘canaux’ remplis de bois. 

Ce ski aurait connu de gros problèmes de collage et sa diffusion a été sûrement limitée.



Modèle ‘STRAVER 28’’ =>

Le plus connu, produit de 1966 à 1970.  Il a couru aux JO de 68 sous les couleurs du Chili.

Ski remarquablement léger pour l’époque. 

On retrouve la structure n°6 du brevet mais avec 3 canaux au lieu de 5 ; leur remplissage pouvait être en bois ou en plastique.

 

Le FIBERGLASS (Rossignol - 1962)

Rossignol a donné à Gaston Haldemann, les moyens de réaliser son invention (brevet de 1958) à Voiron puis dans son usine de Stans (ex. Authier).  Le ski produit s’appelait :

• ‘Rossignol Fiberglass dans l’usine de Voiron

• ‘Rossignol GT’ dans l’usine suisse*

Construction innovante par moulage, en une seule opération, d’un système de 3 ‘chambres à air’ noyées dans du plastique armé de fdv + résine époxy. Fabrication très « délicate » avec des problèmes insolubles de voile et un coût de fabrication excessif (dixit M.Wœhrle)
.

Quelques succès en 1962 en compétition, avec M.Goitschel puis de Duvillard l’année suivante.

Mais bien que peu diffusé°, il aura surtout servi à Rossignol à apprendre ce qu’il ne fallait pas faire et à préparer l’étude de son successeur : le ‘STRATO’.

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(*) À noter que c’est là qu’a été fabriqué ensuite, le célèbre ‘Rossignol EQUIPE SUISSE’ de même structure + sandwich d'alu.
(°) Attention: il y a un “ersatz“ bas de gamme, avec une fabrication 
banale (sandwich) produit par Rossignol dans les années 80 =>

Le RG5 (Dynamic et Starflex – 1962)

La société LPS° fabriquant de tôles plastiques renforcées de fdv, collabore avec Dynamic ; de cette collaboration, sort le ski ‘Compound RG5’ fabriqué dans deux usines différentes :

• Sillans chez Dynamic 

• Sallanches chez LPS Starflex (qui deviendra Dynastar* l’année suivante).


Données J.Michal : « Le RG5… comportait une âme en bois comme un petit ski en trois parties dans le sens longitudinal en liteaux contrecollés à la manière des skis bois d'avant le plastique. Cette âme était emmaillotée par les tissus de verre puis ces derniers étaient imbibés de résine polyester ». Tout était moulé à chaud. 

« voir spécialement » certaine figures du …« brevet décrivant la boite de torsion… et demandant en outre beaucoup trop de main d’œuvre pour être utilisé d’une manière pratique et économique ».

 

Les RG5 Dynamic et Dynastar étaient très probablement identiques excepté la déco et, peut-être, la qualité de fabrication ? Et seuls ceux fabriqués chez Dynamic ont eu immédiatement la faveur de nombreux coureurs français et étrangers.

 

En 1964, divorce : 

• Dynastar continue le ‘5’ à Sallanches puis sort le ‘RG10’.

• Dynamic, sort le ‘VR’ (7’ puis ‘17’) à Sillans.

 

 

 

Note 1 : les images ci-dessus montrent bien la confusion (recherchée ?) des ’look’ Dynastar et Dynamic. (‘7’ et ‘17’ avaient alors le même ‘design’).

Note 2 : ‘RG5’ = résine/glass + 5 années d’étude.  Et ‘VR7’verre/résine + 7 années d’études. 

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(°Les Plastiques Synthétiques (filiale des ‘Ressorts du Nord’)

(*) Dynastar = DYNAmic+STARflex.

 

Suite…mais pas ‘fin’ :

 partir des années 60, tous les fabricants, même artisanaux, se mettent peu à peu, à la fdv ; elle est toujours associée à un noyau bois multicouches (ou du PU), quelques fois à de l’alu comme élément structural et du plastique pour l’habillage.

 

En France, les skis fdv ont participé aux heures de gloire du ski français avec le VR17 de DYNAMIC et le STRATO de ROSSIGNOL pour ne citer que les + célèbres (ils donneront lieu à des études détaillées ultérieures).

 

On notera aussi, qu’à partir des années 80, la fibre de carbone est venue enrichir la liste des fibres disponibles jusqu’alors (bois et verre). 

 

Les années indiquées sont celles du dépôt du brevet, suivies de celles de son enregistrement.

Brevet français de 1836

Dubus-Bonnel-Bajeu (non retrouvé en entier) : « Tissage du verre rendu malléable par la vapeur, pur ou mélangé avec la soie, la laine, le coton ou le lin ».

« Ils fournissent dans le dossier un échantillon tissé sur un métier Jacquard et obtiennent dans leur fabrique des imitations de brocarts d'or ou d'argent en incorporant des particules métalliques dans les fils de verre ».

Brevet ERSTE – 1931/33

CH 160469 et FR 733.250 : « Ski obtenu à l’aide de matériau contenant la résine artificielle et le procédé de fabrication de ce ski ».


Ça parle de matières fibreuses (mais pas …de verre) ou de tissus, réunis par une résine artificielle et entourant un noyau bois ou plastique ou métal.


Brevet RHEINFRANK – 1948/51

US 2.695.178 et FR 985.174 : « Ski composé d'éléments superposés ».

Il parle de bandes de toile de fdv, enrobées dans un adhésif (résine) et enroulées croisées, autour d’une âme en bois.


Remarque : Ça pourrait être le précurseur de la fameuse ‘boîte de torsion’ du VR17 ??

Brevet BOISON (Dynaglass) – 1954/60

DE 1.082.534 (= FR 1.124.469 - 1955/56) : « Ski et son procédé de fabrication ».

On y trouve les bandes de fdv longitudinales et d’autres enroulées pour former un noyau creux ; celui-ci est seulement « … rempli de matière minérale inerte comme le silicate d’aluminium ou la formiculite à l’état gonflé ou des cendres volcaniques etc. » 

Le liant est la résine (phénol ou epoxy). Plaque de contreplaqué ou de tôle, noyée au centre pour les vis de la fixation. Le procédé de moulage y est très détaillé.

Brevet HALDEMANN (Fiberglass) - 1958/60

   CH 346.468 (+ complément 351.205) = + FR 1.248.660 : « Procédé de fabrication d’un ski et ski obtenu par ce procédé »

Chambres à air entourées de plusieurs couches de fdv mélangées à du plastique. Mise sous pression dans le moule.

Coupe transversale du moule avec une chambre à air avant le gonflage.                      =>

 

Brevet PEILLEX (Straver) - 1961/62

FR 1.309.405 : " Procédé de fabrication de skis et skis résultants de l’application de ce procédé "

Âme plastique obtenue par extrusion. Enrobage par plastique armé de fdv. 

Cavités pouvaient rester vides ou remplies par des baguettes de bois.

Brevet MICHAL (Dynamic) - 1961/63

FR 1.313.899 : "Perfectionnements aux skis à garniture en matière plastique"

Âme formée de 3 longerons en bois enrobés de bandes de tissu de fdv ; espaces comblés de matière plastique. Assemblage par agrafes.

Note : cette structure à 3 longerons semble correspondre à celle du RG5, lui aussi agrafé.

Brevet LANGENDORF (Toni Sailer)- 1965/66

CH 424.577 (= CA 734.828-1966/66) : « Ski en matière plastique armée de fdv ».

Structure de type sandwich + noyau : tout est en plastique/fdv, sans bois. Le noyau est décrit comme des ondulations qui vont en diminuant vers les extrémités en laissant des espaces vides (sauf sous les fixations).


Note : cette structure ressemble donc à la structure du Straver 28 (sans remplissage) prise en sandwich entre 2 lames de fdv.

 

1836 – 1er brevet de tissage de fibres de verre (France)

1931 – 1er brevet, pour les skis, de fibres textiles et de résines.

1948 – 1er brevet d’utilisation de la fdv pour des skis (USA) 

1952 – 1er tentative avortée de fabrication de skis (USA)

1954 – 1ère production industrielle (Dynaglas - USA)

         – 1ère production européenne (Ober - Autriche)

1957 - 1ère production  suisse (Haldemann)

1959 -  1ère production  canadienne (Toni Sailer)

1961 - 1ère production française (Straver)

- Mise en production du White Star (3 ans après sa présentation).

1962 - 1ère production Rossignol (Fiberglass), 

         - 1ères production Dynamic et LPS (RG5)

1964 et après : les grands classiques français (VR7 et 17, le Strato, etc…) ; toutes les marques ‘passent’ à la fdv.

 

Boulat, Régis. « Les territoires des fabricants alpins français de matériels de sports d'hiver (fin XIXe - début XXIe siècles) »

Archives St Gobain : Étoile des neiges

Maurice Woerhlé « La recherche sur le ski dans l’entreprise Rossignol »

Jean Michal "Une Histoire des skis Dynamic"

https://skiinghistory.org/history/glance-switzerlands-skiing-history

https://fr.swissskimuseum.com/

https://www.yumpu.com/en/document/read/23059221/pg-85-canadian-ski-museum

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Remerciement à Maurice Woehrlé et à Jean Michal pour leur aide et leur patience, ainsi qu’aux membres de l’ASP qui m’ont permis de connaître et photographier certains de leurs trésors.       C.Richardin

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Voir les skis bois =>